jeudi 26 décembre 2013

Noël ou presque

Chez nous, on ne mange pas à midi pile. Il n'y a pas d'apéritif interminable et on ne nous demande pas d'arriver à onze heures pour commencer les festivités. Chez nous, on n'a pas le temps, on travaille beaucoup, les dimanches ont des allures de lundi et Papa est imprévisible. On ne sait qu'à la dernière minute s'il sera là et dans quel état d'ébriété, alors chez nous on ne prévoit pas grand-chose parce qu'on ne sait jamais si ça se passera bien ou si ça sera la honte. 

C'est pourquoi quand nous sommes arrivés à une heure et quart aujourd'hui et que ma mère nous a accueillis les yeux un peu rouges avant que mon père ne débarque en slip au milieu du salon avec une barbe de taliban, je n'ai pas été étonnée. C'était le schéma classique d'une famille excentrique. De Rothschild n'a qu'à bien se tenir. 

Comme à chaque Noël, ma mère nous a discrètement annoncé son intention de divorcer entre deux verres de kir, et comme à chaque Noël aussi mon père a sorti son flingue chargé (vous avez bien lu, chargé) avant de le poser sur la table. L'espace d'un instant j'ai cru qu'il allait jouer à la roulette russe. J'ai regardé son verre de blanc, repensé au verre de rosé précédent et à la flûte de champagne qui allait suivre. J'ai pris mes jambes à mon cou. Courage fuyons. Pas loin. À deux mètres environ. Derrière le canapé. Un peu comme dans les mauvais films d'horreur où la blonde se cache dans un endroit naze avant de se faire dégommer comme une mouche. Qu'importe. J'ai voulu sauver mon cul. Parce qu'un ivrogne en culotte avec un flingue chargé, ça vaut bien un petit fait divers dans les colonnes du Nice-Matin du 26 décembre.


Quand dans un instant de lucidité il est partit ranger son arme, on a soufflé et le déjeuner a repris son cours. Entre deux gambas pour les femmes et deux souris d'agneau pour les hommes, mon père me conseillait de manger "parce que tu es rachitique" et d'ailleurs "si je pouvais te donnais cinq kilos de mes 117". J'avais envie de lui répondre que s'il m'en donnait cinq il en ferait toujours 112, que c'est énorme et que je ne comprends pas comment on peut se laisser aller à ce point, mais je n'ai rien dit parce que voilà, il y avait toujours un pistolet chargé non bien loin du salon.


Et pendant qu'il nous racontait comment il avait souhaité le cancer à un flic, et pourquoi il avait attrapé un docteur par le col, couteau sous la gorge devant tous les élus municipaux, ma mère répétait tout bas qu'elle aurait dû divorcer depuis longtemps. Moi, je pensais qu'on était une famille formidable. De celles qui n'ont pas fait les scouts et qui sentent un peu le scandale.

C'est vrai que chez mon mec, le petit Noël parfait est trop fade. On doit offrir des cadeaux à des trous du cul qu'on n'a pas fréquenté de l'année, les enfants courent autour du sapin et il y a Johnny qui chante "Noël ensemble". Mon mec ne comprenait pas pourquoi j'avais envie de me suicider à chaque fois qu'on sortait de chez lui. Alors cette année, avant de partir il a pris une photo avec mon père autour de la bûche. Mais je suis pas folle, je ne vous la montrerai pas.

mardi 24 décembre 2013

Pourquoi je fête mon anniversaire en solo

- Quand on n'a pas d'amis ça fait pitié de recontacter les vieilles connaissances juste pour faire style qu'on a des potes sur les photos Instagram.


- Surtout quand on a que 8 abonnés sur Instagram. T'es grillé, arrête.

- De toute façon sur les photos on a tous des têtes de cul parce qu'on est trop bourrés.


- Tu me connais (ou pas), je suis radine. Pas autant que Philippe Candeloro qui se targue de ne pas offrir de fleurs à sa femme parce que c'est trop cher, mais un peu quand-même. (Je te rappelle que je paye des impôts moi. Sale branleur). L'idée de banquer pour dix personnes me déclencherait une crise d'urticaire. Surtout que sur dix il y en a au moins sept qui ne servent à rien, on va pas se mentir.


- Fêter son anniversaire en solo, ça t'épargne les cadeaux (enfin s'il y en a) de merde qui restent dans leur emballage avant de finir sur eBay. Parce qu'il y en a toujours un pour t'offrir un bracelet Guess comme quand t'avais douze ans ou un livre de Marc Lévy qui mériterait bien d'aller alimenter le feu de cheminée pour voir si j'y suis.

- Si par chance tu es assez organisé pour préparer une fête, tes potes en revanche ne le sont pas. Entre celui qui n'a "pas d'argent ces temps-ci", celui qui te "donne ton cadeau plus tard", celui qui devra "prendre le dernier train de 23h07" et ceux qui vont annuler au dernier moment (c'est-à-dire une heure avant) prétextant une diarrhée ou le faux décès d'un faux oncle. Accroche-toi.

- Si comme moi tu as l'air d'avoir quatorze ans et demi tu te feras forcément refouler à l'entrée de la boîte, alors si c'est pour finir à la crêperie du coin devant un verre de cidre plutôt rester chez toi avec  ta crêpière.

- Si ton budget ne te permet pas de faire la fête au Ritz et que tu préfères inviter les gens chez toi, bonne chance pour le repas. Entre celui qui n'aime pas le fromage, l'autre qui est allergique au poisson, la végétalienne qui mange bio et sans gluten, celle qui préfère le blanc au rosé et le gros porc qui a envie d'un kebab, autant te dire que de payer le Ritz te serait revenu moins cher que les courses.


- Parce que festoyer avec tes chats sera toujours plus économique. Environ 5€. Le prix d'un paquet de truite fumée.

- Parce que de toute façon il n'y a que Badoo, Skyrock, Conforama, Sephora et la Fnac qui se souviennent de ta date d'anniversaire (bon, de la mienne en tout cas).

- Ne rien organiser t'évitera d'héberger des poivrots qui se tueraient à coup sûr s'ils essayaient de rentrer chez eux à bord de leur Booster. Et tu n'auras pas non plus besoin d'essuyer les dégueulis de vodka / tiramisu sur le canapé le lendemain.


Bref, pour mes 22 ans je vais me photographier avec ma flûte de Moët et publier ça sur Instagram avec les tags #pasdamis #prenduncurly. Hâte.

dimanche 22 décembre 2013

L'absence du père

J'ai eu un père absent. Contrairement à celui de mes connaissances, le mien n'est pas mort d'une crise cardiaque et n'a pas mis les voiles avec la maîtresse quand j'étais enfant. Depuis presque vingt-deux ans qu'on se connait lui et moi, il est là, debout sur ses deux pieds. Et parfois à quatre pattes quand il a trop bu. Mon père est un excessif, il ne sait rien faire à moitié. Ni exister, ni boire, ni provoquer. Je pense donc qu'il m'aime d'un amour véritable, malheureusement ce n'est pas son meilleur domaine. 

Quand j'étais petite, il me demandait de l'appeler par son surnom et non "Papa". Il le disait sur le ton de la plaisanterie mais si on prend le temps d'y réfléchir ça veut dire beaucoup. Mon père est un personnage, il n'a jamais montré qui il était à la face du monde. Il se cache derrière l'humour, le sarcasme, parfois la bêtise mais n'en reste pas moins quelqu'un d'extrêmement intelligent. De cette intelligence je ne sais que peu de choses, puisque nous n'avons aucune relation. J'ai deviné, appris, compris ou cherché à comprendre. La communication s'est définitivement coupée il y a longtemps déjà et mes souvenirs de quelques moments partagés sont très clairs.

Aujourd'hui il est encore un mystère et pourtant je lui ressemble tellement. J'ai essayé de tout faire différemment mais nos personnalités sont les mêmes. Ça me rattrape à chaque période dépressive, à chaque verre de vin, à chaque chanson de Thiéfaine et à chaque fois que j'ose dire à quelqu'un ce que je pense de son raisonnement à la con. Nous sommes un peu les mêmes sans nous connaître.

Il s'est détourné du bon chemin, parfois n'est plus que l'ombre de lui-même et aux yeux de tous un pauvre homme qui finira clochard. Les gens ont seulement connu le Mr Hyde et c'est dommage, j'aurais aimé qu'ils le voient comme on l'a connu nous, cultivé et érudit bien que piètre père.

Il restera ce grand regret dans ma vie, celui de ne pas avoir été proche de lui, de n'avoir pu lui confier mes soucis, ma peur de l'avenir. Il est trop perdu lui-même pour s'attarder sur les égarements des autres. Entre nous il y a des mots toujours tus, des marques d'affection avortées, des compliments qui se lisent à peine dans le regard, il y a un point d'interrogation, un doute qui subsiste et une question qui revient toujours mais qu'on n'énonce jamais "Est-ce que ça sera toujours comme ça, toi et moi?".

Tant que "ça sera comme ça" c'est que rien n'entravera notre quiétude un peu feinte. Alors je prie pour que chaque jour garde la même saveur, celle de l'inachevé.


lundi 9 décembre 2013

J'ai ma place dans Confessions Intimes

À eux deux ils valent plus cher que mon entourage. En bien peu de temps ils ont apporté ce qu'une multitude d'amitiés liées ça et là n'a su apporter en vingt-et-un ans. Ils sont ma plus belle histoire d'amour et j'en avais déjà parlé. Ça prête à rire, d'ailleurs j'étais la première à penser que tout ceci était ridicule, que les français faisaient chier avec leurs animaux mais n'étaient pas bons à nourrir leurs gosses. En fait, en y regardant de plus près ils ne sont bons ni à nourrir leurs gosses ni leurs animaux. (Parce qu'ils sont trop radins. Oops. Ferme-la!)

J'ai du respect envers le règne animal et je le considère bien plus que celui de l'Homme moderne et mon cul sur la commode sioniste. Bon, ok en réalité je n'aime pas l'humain du tout, il faut arrêter de mentir. Je fais des grimaces aux gens qui me regardent (comprendre "qui m'inspectent") et je leur souhaite la Lechmaniose à eux et à leurs enfants. L'être humain me rend aigrie et vulgaire. Je pourrais en dézinguer plusieurs et tous les jours, en commençant par mes anciennes clientes (non mais vous imaginez quelqu'un comme moi à la vente?), les gens mous au supermarché, les groupes de mecs, les flics, Patrick Bruel... Pourtant j'ai bien dépassé l'adolescence. On ne dirait pas? D'accord.

En attendant de sauver chaque animal maltraité et d'offrir un refuge cinq étoiles avec des coussins à diamants aux malheureux qui n'ont pas accès aux Restos du Cœur ni aux soins vétérinaires, victimes de ces connards d'humains; je me transforme en une espèce de folle à chats. Eux et moi, c'est fusionnel. Pardonnez la Bête, je n'ai pas d'âme. Toutes mes paroles ne seront que rugissements.


Vous comprendrez donc pourquoi:

- je les embrasse sur la bouche. Et nique ta mère avec ton staphylocoque.

- je leur cuisine des courgettes.

- ma chambre n'est plus qu'une pièce à chats: jouets, paniers, maisonnettes. Sextoys bientôt.

- et pourtant ils dorment sur le lit. Avec le chauffage.

- je leur commande des sushis quand ils ont été sages. Ou de la truite. Parce que le saumon c'est plein d'OGM.

- ils partagent l'assiette avec Maman pour ne pas gaspiller.

- et la glace au thé vert.

- mais par contre je ne bois pas après les gens. (Heureusement pour vous j'ai envie de te dire).

- je suis tellement comblée que je ne veux pas d'enfant.

- et je les trouve plus beaux que certains enfants de toute façon.

- le jour où l'un d'eux a disparu j'ai prévenu les flics. Mais si ça ne tenait qu'à moi j'aurais déclenché l'alerte enlèvement.

- ils boivent parfois de l'eau minérale.

- je me réveille en panique au moindre bruit, imaginant qu'ils sont tombés du lit ou du septième étage. Je ne me rendors pas. Et eux dorment paisiblement en plein milieu du plumard sans se soucier de mes mauvais rêves.

- d'ailleurs je fais des positions acrobatiques dans le lit pour les laisser dormir où ils veulent.

- je leur raconte ma vie et tape du pied quand ils ne répondent pas.

- j'ai voulu leur offrir un costume pour Halloween mais mon mec m'a calmée.

- parce qu'il est jaloux.

- je leur fait la toilette avec la langue (non là je déconne).

- quand ils seront partis j'ai déjà pensé à les faire empailler. Mais ça serait un peu effrayant quand-même.

- je sais qu'ils disent "Maman" parfois.

- j'ai pleuré quand j'ai su que j'avais râté la Fête des Chats (le 17 novembre).

- je veux qu'ils assistent à mon mariage. Et en tant que témoins. Après tout les gayzous ont bien le droit de se marier.



vendredi 6 décembre 2013

Noël et son lot de réjouissances

"Bonsoir Belle-Sœur de mon mec, c'est pour savoir ce que veulent les enfants pour Noël.
- Eh bien si tu veux que ton mec soit le meilleur des tontons, j'ai vu une robe chez Naf Naf, vous pouvez prendre ça pour ma fille, elle l'adore. En plus c'est PAS CHER, ils sont en train de tout liquider avant la fermeture du magasin.
- Ok. Why not. Vas-y. Ben appelle-moi quand tu sors du boulot, on ira la chercher.
- Ok Dac !"

16h45. Pas de nouvelles. Je me dis que c'est mort et décide de casser mon jeûne en préparant une omelette aux crevettes (non mais allo ouvre un paquet de Kitkat). Elle est belle, elle est prête. J'ai faim. J'y suis presque.

17h. Mon téléphone sonne. Lui qui reste muet des jours entiers devant le triste constat de ma vie sociale décide tout à coup de sonner au plus mauvais moment. La loose

"Ouiiii? intonation bien hypocrite
- C'est moi! J'ai été chercher la robe. Tu m'offres un café?
- Ouais monte." 

Ais-je vraiment le choix? Et j'ai pas vu la robe. Je vais pas manger devant elle. J'ai la dalle. Tant pis. Après.

"Saluuut!
- Tu t'es fait à manger toi ça se sent!
- Hum ouais. Des crevettes. Désolé ça sent le poiscail."

Un café. Une clope

"Combien je te dois?
- 70€.
- Ok. Hum... Là j'ai 40€ sur moi mais quand tu pars je descends avec toi au distributeur pour te donner le reste."

Deuxième clope. Ventre qui se tord. Envie de vomir et de chier. Tête qui tourne. J'aurais dû manger merde. On repart. 30€ de moins sur le compte bancaire. 

"Au fait elle est comment cette robe?
- Bleue à bretelles et longue avec du tulle. Enfin, c'est une robe de princesse. Toute façon si vous ne lui aviez pas prise je l'aurais achetée moi. Je trouve que c'est un meilleur cadeau plutôt qu'une robe à 50€ qu'elle ne mettra pas."

Ah ok. La robe est moche en fait. J'avais oublié que tu as des goûts de chiottes. Et t'habilles ta gosse chez Gucci toi? 50€ c'est pas assez? Allez la bise au revoir.

L'omelette est froide. Une fois réchauffée elle a juste le goût... du réchauffé. Poubelle. Ça fait mal au cœur mais personne ne la mangera. Le chat peut-être mais il est trop gros.

Pour son fils, elle nous a juste demandé des Legos. (La Belle-Soeur, pas l'omelette). Et j'aime sa fille, y'a pas de souci. Mais la voix de mon côté radasse - individualiste me dit que c'est pas ma nièce après tout, et que j'ai pas de travail, et que je dépenserai même pas la moitié pour le Noël de ma propre nièce. J'abuse, peut-être que si. Cette voix mesquine me crie que putain les gens font chier, qu'ils ne ramènent même pas la facture et que c'est pas la première fois, et que l'autre fois d'ailleurs c'était 90€ un sautoir de merde pour une conne que je n'aime pas, et que je suis pas prête de faire des gosses, faites-en pour moi ça revient trop cher.

Une fois la voix partie emportant avec elle son haleine fétide (mais pas la mienne qui se souvient encore des crevettes), je me sens apaisée et j'imagine les sourires de l'enfant heureux qui au fond n'y comprendra rien. Ça pourrait être notre cadeau ou celui de Pierre Paul Jacques, le gosse s'en tape la moulinette. Il te dira merci parce qu'il est bien éduqué et ne crois plus au père Coca euh Noël. C'est déjà bien. Et ça fait toujours plaisir d'avoir apporté un peu de magie dans sa vie. Surtout qu'on ne s'en occupe jamais parce qu'on considère toujours avoir autre chose à faire à 20 ans.

Chez moi on est trois. Plus un ballotin de chocolats Puyricard pour Mémé et Pépé. Chez eux ils sont cinquante. Dont quarante-six cons. Mais tu te sens quand-même obligé de faire un cadeau aux cinquante. Et ça me fait rire quand je pense qu'on ne s'est pas fréquenté de l'année. (Comprendre "que je suis devenue la reine de l'esquive").

À ma belle-sœur bien migraineuse que j'affectionne autant qu'un furoncle sur mon cul, je vais offrir des bougies bien de merde avec un parfum bien entêtant. Ça lui apprendra à m'avoir acheté des chaussons "parce qu'il fait trop froid chez vous" l'année d'avant. Et à son mari que je n'ai même pas envie de décrire tellement le tableau serait peu reluisant, mon mec a décidé d'acheter un parfum. La voix de crevarde qui sommeille en moi est réapparue aussitôt: "Non mais tu déconnes? Un parfum pour ce con. Tu sais combien ça coûte un parfum?" Ce à quoi il répondit: "Ça fait rien, on mettra une étiquette Ail et fines herbes dessus".