samedi 22 février 2014

Toujours refoulée

Jusqu'à présent, je me croyais physiquement pas trop mal. Voire plutôt bonne. Et drôle, créative, fraîche, fêtarde, spor... non pas sportive.


Et puis j'ai été majeure et j'ai commencé à me faire refouler des boîtes de nuit et de ce qui y ressemble de près ou de loin, alors que je finissais pourtant en coma éthylique dans ces mêmes endroits quand je n'avais que seize ans. Alors autant quand j'étais trop jeune je pouvais mourir sur le dancefloor ou me faire violer par un vieux pédo en liberté conditionnelle, autant maintenant que j'ai vingt-deux ans on me fait des histoires pour commander une bière à la pizzeria. Bientôt on me proposera aussi le menu enfant.

Je suis gavée. Gavée de ce fonctionnement de merde sans queue ni tête. Oui, thanks God j'ai perdu huit kilos, adieu mon gros cul (et les cuisses qui vont avec), oui, j'ai grandi, adieu mes minirobes à clous de sadomasochiste, bonjour les tenues un peu plus classes et moins déshabillées, c'est sûr que ça fait de suite un peu moins salope sexy. Mais merde, qu'est-ce qui ne va pas sur ma gueule?


Bref. J'ai dû devenir moche du jour au lendemain. À moins que je ne pue du dessous des bras. Y'a bien un truc qui a merdé à un moment donné, pour que je devienne une habituée du "c'est une soirée privée", "vous avez une réservation? Aaah ben c'est complet!", "votre carte d'identité" + tout le cinéma qui va avec (inspection des traits du visage, temps d'hésitation, prise d'empreinte ADN, analyse de la carte au Bluestar bientôt... J'ai l'impression d'être Dupont De Ligonnès.) "non, je ne peux pas vous vendre ce briquet sans avoir vérifié votre âge". ET NIQUE TA MÈRE, VA!

Hier encore nous étions ma copine et moi devant notre salade composée et une demi-bouteille de blanc (raisonnable quoi). Chose rare, on avait réussi à entrer dans le restaurant sans qu'on nous demande quoi que ce soit; quand le serveur nous a gentiment -pour une fois- demandé notre âge avant de s'exclamer que "putain! Vous les faites pas!" en ne fixant évidemment que moi dans les yeux. (C'est sûr que ma pote avec son 95D n'avait pas l'air d'avoir six ans et demi). Oui, ben figures toi que je me suis tapé des mecs plus vieux que toi, connard.

Sérieusement, quel autre con que ce con-là aurait eu l'idée de faire ce genre de commentaire? C'est un compliment d'entendre à vingt-deux ans à peine que tu ne fais pas ton âge? Qu'est-ce que ça signifie? Que j'en fais dix de moins? Je ne vais pas m'en plaindre (dit-elle après avoir craché toute sa haine) et j'espère qu'il en sera de même quand j'aurais trente-cinq piges. Histoire de continuer à pécho des jeunes et non des vieux croutons qui ont une femme, trois gosses et dix maîtresses mais pas d'argent.

De toute façon je suis pas une fille de la night, je préfère de loin les soirées pyjamas devant un DVD de Gad El... euh, de Dieudonné. Au diable les putes et les hipsters. C'est so 2013.

(Étrange, c'est ce que disent tous les refoulés.)

mercredi 19 février 2014

Post Mortem

Tu n'as pas besoin que je t'explique mes raisons. Il n'y a rien eu de dramatique dans ma vie, seulement une extrême lassitude. Je pensais avoir un avenir prometteur mais je me suis plantée, j'ai perdu les clefs en chemin. C'est plus facile quand on est gosse. Je ne veux pas d'une vie de con, d'un boulot que je déteste et qui me bouffe la vie pour 300€ de plus que le chômage, lécher le cul de connards ou d'une élite et me contenter d'une semaine à l'étranger dans l'année. Il y a un proverbe qui dit "Être riche ou mourir", eh ben voilà mdr. Mieux vaut en rire! Payer des impôts, l'assurance de la voiture, faire des gosses, et avoir l'air heureux de vivre alors que ça daube d'ici à la lune, non ce n'est pas moi. Pas le genre de la maison. Mais ce n'est vraiment pas grave, il ne faut pas prendre ça pour un échec, c'est le mieux qui puisse m'arriver de fuir cette merde. Pense à toi, vis à fond et respecte mon choix qui n'est pas désespéré. Merci pour tout ce que tu as fait pour moi. Danse, ris jusqu'à ton dernier souffle, je serai juste derrière la porte. 

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J'aurais voulu faire court, le jour où je t'écrirai la première et la dernière lettre. Maintenant que nous y sommes je sais que ça m'est impossible. Qu'importe. On ne s'est pas vraiment aimé. Je n'en serais pas là si c'était le cas, non, j'en aurais fini bien avant. Je ne pars pas à cause de toi, tu n'en vaux pas la peine, parce qu'il y a des choses plus tristes et que tu étais gai. Je n'étais que de passage, c'était presque clair dès le départ, et aujourd'hui, regarde, je te le prouve en retournant d'où je viens: un peu de nulle part.

Le mois dernier j'étais restée plantée à quelques mètres, en sachant que tu serais surpris si tu levais la tête. Tu ne l'as pas levée. Mais de t'apercevoir m'a ramenée cinq ans en arrière. Je me suis revue, avec les cuisses et les joues plus rondes, assise dans ta voiture et bien trop silencieuse. Je suis heureuse que cette époque soit révolue. Je t'ai cherché partout, j'ai essayé de trouver en eux un peu de toi. Ma quête fut vaine. Pendant un moment j'ai cru que j'avais tourné la page, mais ce n'est pas de publier trois photos à la con qui font changer les choses. Les dés sont jetés depuis le premier jour, et il me tarde de sentir le vent caresser mes joues. Je fermerai les yeux et ma dernière image sera la tienne. Enfin je ne te promets rien. Je suis bien trop instable, même au-dessus du vide.


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Il est interdit de se soustraire. Ma foi est certaine et se précise jour après jour. Partisan du jusqu'au bout. Mais il y a une chose qui tue bien trop lentement, c'est l'ennui. 



jeudi 13 février 2014

E.

Les lèvres d'E. avaient le goût des beaux jours. Son trou de balle aussi. Il sentait bon le parfum mais la passion surtout. Avec moi, E. était no limit. Sans forcer les choses il me suivait dans mes délires d'enfant un peu folle. J'avais dix-sept ans, il en avait vingt-cinq. Il priait pour que je ne raconte rien à mes parents. Quand j'y repense, j'aurais pu me faire un petit billet.

E. était chaud mais c'est un vendredi treize novembre que nous avions conclu. Je n'oublie jamais cet anniversaire. Il faisait froid et j'étais en pantalon, moi qui avais toujours le cul à l'air. Je ne savais pas ce soir-là qu'il allait marquer ma vie au fer rouge. Je serais tentée de vous dire que si j'avais su, j'aurais fait demi-tour dans les beaux escaliers en marbre. Mais c'est faux. Je me serais jetée dans ses bras encore plus vite. Ses bras, c'était un ticket gratuit pour l'enfer. Mais de cette souffrance je ne garde que de doux souvenirs. Les heures passées au téléphone, les centaines de messages, l'attente, l'excitation, la douche en mosaïque, les baisers puis la douleur, les larmes sur l'oreiller, le doute, le sentiment de trahison qui n'avait pas lieu d'être.

E. en avait une autre à Paris, elle était mon sosie. En plus belle je crois. Quand il ne donnait plus de nouvelles, c'est parce qu'il était avec elle. Mais elle, ce n'était qu'une parmi tant d'autres. Et j'ai souffert le martyre quand j'ai découvert le pot aux roses. Pourtant je m'en doutais bien, et je n'étais personne. Je venais d'ailleurs et n'allais nulle part. Avec moi, on ne pouvait rien envisager. J'étais une petite conne qui fréquentait des strip-teaseurs. J'étais déjà sarcastique et peu amicale. Je lui faisais croire que je le détestais alors que j'étais folle de lui. Je pensais toujours que si la prochaine fois ne fonctionnait pas, alors je ferais pute. Je ne le considérais même pas comme cette "prochaine fois", c'est seulement quand il est partit qu'il m'a tellement manqué.

Il y a quelques semaines, je l'ai aperçu sur son lieu de travail. Je suis passée devant l'air de rien, puis je suis revenue sur mes pas avant de repartir. La troisième fois, je me suis dit que c'était la bonne, mais à quelques mètres de lui je me suis arrêtée. Je n'ai pas trouvé le courage et suis restée là plantée comme une conne. J'étais immanquable avec ma veste rose, il ne m'a pourtant pas vue. Dans ma tête des milliers d'images se sont bousculées. Des souvenirs d'amour particulier. Lundi j'y retournerais peut-être, essayant d'enlacer à nouveau un morceau du passé. Trop peur de mourir sans l'avoir revu.

E. était une enflure mais il me respectait plus que quiconque. Avec lui, c'est comme si on s'était aimé. Il disait que je n'étais pas obligée. Il était d'une douceur incomparable et m'a pourtant poussée bien malgré lui vers le fond, la décadence. J'ai pété un plomb le jour où je l'ai perdu. Mais je n'ai pas les réactions d'une femme, alors j'y pense toujours et n'en parle jamais. Il est une blessure secrète, un acte manqué. Histoire de ne pas souffrir sans raison, j'aurais aimé qu'il soit le tout premier.

Lundi j'essaierai. Il faudra bien lui dire un jour combien je l'aime et l'ai aimé, il faudra bien briser la glace, faire le bilan des années. Qu'importe s'il ne m'aime plus ou ne m'a jamais aimée, les mots seront moins acides et j'en tremblerai encore.

Plouc

Je suis quelqu'un de calme. Paradoxalement du genre colérique, je peux retourner ton appartement. Bon, surtout le mien en fait, parce que je suis bien éduquée. Hier encore j'éclatais tout ce qui se trouvait dans mon périmètre. Mais si je t'expliquais pourquoi à l'occasion, tu comprendrais certainement. 

Ce deuxième jour de vacances, entre deux feuilles de salade dont elle n'avait pas vraiment envie, préférant sans nul doute le kebab et la pizza, elle faisait mon jugement. Paranoïaque par-ci, persécutée par-là, qui ne pense qu'au regard des autres, aux calories qu'elle ingurgite, et qui est complètement bipolaire. Elle enchaînait sur "quééé caractère!"comme une bonne vieille marseillaise, et je crois que c'est le "quééé" plus que le reste qui m'a fait sortir de mes gonds. 

Froidement, je lui lâchais qu'elle n'était qu'une plouc. Une grosse plouc. De celles qui dégainent leur appareil photo pour immortaliser la façade du Hilton. Un peu comme ces cons de chinois qui prennent n'importe quoi en photo. De celles qui mettent une veste en jeans autour de leur gros cul en croyant cacher quelque chose, alors qu'elles passent automatiquement du 42 au 52. De celles qui répètent vingt-cinq fois par jour le mot "vach'ment" sans comprendre que c'est moche de parler de vache à toutes les sauces. De celles qui quand elles s'expriment en anglais confondent le mardi et le dimanche et finissent par dire en français que "moi j'parle pas anglais, j'parle français" puis rigolent sans savoir pourquoi, comme des connes de françaises. De celles qui, c'est certain ne comptent pas les calories vue leur silhouette.

À ce stade de la conversation, elle pleurait entre deux gorgées d'eau. Honnêtement, je n'en n'avais rien à foutre. J'aurais pu continuer longtemps. Des choses à dire, il y en avait. Ça ne faisait que deux jours et j'avais déjà envie de lui foutre la tête dans la salade panachée de chez Paul. 

Elle en est venue à une conclusion foireuse, comme quoi elle était une plouc et moi une conne, que les ploucs et les cons "ça va pas ensemble", et qu'on allait en rester là. J'aurais bien aimé. Mais je ne voyais pas comment. On avait des billets d'avion et un hôtel à nos noms. Pour marquer le coup je lui ai balancé cinquante dirhams à la gueule. Ma part de l'addition, ma bonne salade potiron feta.

Le dernier jour, elle avait perdu un kilo et demi et elle était ravie. Une semaine avec moi aux Émirats Arabes Unis, c'est Ramadan tous les jours. Dans l'avion qui nous ramenait à la maison, et comme dans celui qui nous en avait fait partir, on a bu du vin rouge et le steward nous regardait bizarrement. À l'atterrissage, le pilote lui a offert une rose, et vous auriez dû voir sa tête, chargée comme une romanichel, une rose dans la main. On a rit. Tellement que j'ai cru me faire dans le fond du pantalon.

Aujourd'hui je me suis surprise à dire que ce cake à la banane était vach'ment bon. Je me suis sentie un peu plouc. Je m'imaginais dans vingt ans, en grosse mama sur qui le temps sera passé. Jeune, elle était magnifique. Moi, je ne serai jamais que son ombre.

On avait pris une décision, celle d'en rester là et de ne plus jamais partir ensemble. Mais secrètement, j'attends octobre et le billet pour l'Inde.