samedi 24 septembre 2016

Femme mature

Tandis que je dressais mentalement le tableau de ma vie reluisante sur fond d'espoir avorté voire mort dans l'œuf, je constatais avec effroi que Michael Jackson était mort depuis sept ans et que je n'avais toujours pas fini ma crise d'ado. J'ai donc longuement hésité à dessiner une b* ou un symbole anarchie en guise de signature en bas de la feuille, ne me sentant absolument pas prête à m'occuper d'un homme autrement qu'en lui faisant des pi... pichades par exemple. Devant mon hésitation qui avait pris la forme d'un visage aussi blafard que glacial, les yeux inquiets de mon bien-aimé semblaient dire "Alors tu signes ou on s'encule?", ce à quoi j'aurais volontiers répondu "on s'encule", afin que ce qui en ressorte n'aille jamais à la maternelle.

Il faut dire que j'avais donné le meilleur de moi-même les 150 derniers jours, lui faisant (re)vivre les années 70 et le festival de Woodstock à moi toute seule et sans produit illicite, vomissant ça et là ma vie en m'auto-proclamant "déséquilibrée mentale". Et tandis qu'il se tapait la narration du bouquin enchanteur que je laisserai derrière moi, traitant principalement de ma relation avec des cons dans un monde de cons, je me demandais comment il lui était encore possible de vouloir apposer sa signature sur un morceau de papier qui allait sonner le glas de sa tranquillité de gentilhomme. Cet être ne devait pas me prendre au sérieux, influencé par ma tête rigolote après deux verres de rosé. Autant dire que cinq mois et deux-cent litres plus tard, je devais désormais ressembler à un clown.

De plus, j'avais passé la moitié du temps à me plaindre sur mon sort de merde avenir qui s'annonçait délicat et à crier à la cantonade, telle une féministe mal baisée brossée, que les hommes n'étaient que des putes êtres malveillants envoyés par Satan. En agissant de la sorte il était censé comprendre que j'étais schizophrène un peu parano et me larguer dès le début de l'aventure. Étrangement il n'en fut rien et sept mois après j'ai commencé à fermer ma grande bouche et à faire la cuisine. En ce temps-là j'avais vingt ans j'aimais bien la boisson mais il me prêtait sa voiture quand-même. Soit cet homme était aussi borderline, soit on allait finir mari et femme. Les deux à la fois auraient été contraignants.

La vie avait ainsi repris son cours, routinier et champêtre. Ce n'était pas demain la veille que j'allais me gratter les burnes aux Bahamas mais en attendant je survivais sans Tercian et autres en-cas pour malades mentaux. Moi qui avais toujours eu peur de l'engagement au point de ne pas prendre beIN sur ma télé, je me retrouvais avec une demi-douzaine de beaux-frères et moi-même belle-mère d'une adolescente qui hésitait entre Kevin et Marvin, avait un compte Tinder et se nourrissait exclusivement de pâtes à la bolo. Paradoxalement, j'en avais terminé avec les psychiatres. En vérité j'en aurais fait démissionner plus d'un, tant il est vrai que j'avais autant de chances de devenir belle-mère que de remplir un 90C.

Malgré le caractère bucolique de cette épopée qui avait sonné le glas de ma vie d'ado retardée, je restais mélancolique de mes anciennes amours qui étaient désormais RMIstes, mariés ou pédés, me demandant si l'une d'elles avait déjà été les trois à la fois. J'ai bien failli envoyer un message groupé pour leur poser la question mais ça faisait un peu gamine et elles m'auraient traitée de pute. Dans mon rôle de vraie femme je me sentais aussi adulte que Michael Jackson, d'ailleurs pour ne pas dépenser mon mec m'offrait des cartables Chipie.

Affaire à suivre...