jeudi 13 février 2014

Plouc

Je suis quelqu'un de calme. Paradoxalement du genre colérique, je peux retourner ton appartement. Bon, surtout le mien en fait, parce que je suis bien éduquée. Hier encore j'éclatais tout ce qui se trouvait dans mon périmètre. Mais si je t'expliquais pourquoi à l'occasion, tu comprendrais certainement. 

Ce deuxième jour de vacances, entre deux feuilles de salade dont elle n'avait pas vraiment envie, préférant sans nul doute le kebab et la pizza, elle faisait mon jugement. Paranoïaque par-ci, persécutée par-là, qui ne pense qu'au regard des autres, aux calories qu'elle ingurgite, et qui est complètement bipolaire. Elle enchaînait sur "quééé caractère!"comme une bonne vieille marseillaise, et je crois que c'est le "quééé" plus que le reste qui m'a fait sortir de mes gonds. 

Froidement, je lui lâchais qu'elle n'était qu'une plouc. Une grosse plouc. De celles qui dégainent leur appareil photo pour immortaliser la façade du Hilton. Un peu comme ces cons de chinois qui prennent n'importe quoi en photo. De celles qui mettent une veste en jeans autour de leur gros cul en croyant cacher quelque chose, alors qu'elles passent automatiquement du 42 au 52. De celles qui répètent vingt-cinq fois par jour le mot "vach'ment" sans comprendre que c'est moche de parler de vache à toutes les sauces. De celles qui quand elles s'expriment en anglais confondent le mardi et le dimanche et finissent par dire en français que "moi j'parle pas anglais, j'parle français" puis rigolent sans savoir pourquoi, comme des connes de françaises. De celles qui, c'est certain ne comptent pas les calories vue leur silhouette.

À ce stade de la conversation, elle pleurait entre deux gorgées d'eau. Honnêtement, je n'en n'avais rien à foutre. J'aurais pu continuer longtemps. Des choses à dire, il y en avait. Ça ne faisait que deux jours et j'avais déjà envie de lui foutre la tête dans la salade panachée de chez Paul. 

Elle en est venue à une conclusion foireuse, comme quoi elle était une plouc et moi une conne, que les ploucs et les cons "ça va pas ensemble", et qu'on allait en rester là. J'aurais bien aimé. Mais je ne voyais pas comment. On avait des billets d'avion et un hôtel à nos noms. Pour marquer le coup je lui ai balancé cinquante dirhams à la gueule. Ma part de l'addition, ma bonne salade potiron feta.

Le dernier jour, elle avait perdu un kilo et demi et elle était ravie. Une semaine avec moi aux Émirats Arabes Unis, c'est Ramadan tous les jours. Dans l'avion qui nous ramenait à la maison, et comme dans celui qui nous en avait fait partir, on a bu du vin rouge et le steward nous regardait bizarrement. À l'atterrissage, le pilote lui a offert une rose, et vous auriez dû voir sa tête, chargée comme une romanichel, une rose dans la main. On a rit. Tellement que j'ai cru me faire dans le fond du pantalon.

Aujourd'hui je me suis surprise à dire que ce cake à la banane était vach'ment bon. Je me suis sentie un peu plouc. Je m'imaginais dans vingt ans, en grosse mama sur qui le temps sera passé. Jeune, elle était magnifique. Moi, je ne serai jamais que son ombre.

On avait pris une décision, celle d'en rester là et de ne plus jamais partir ensemble. Mais secrètement, j'attends octobre et le billet pour l'Inde.


2 commentaires:

  1. Paul est venu vendre ses salades jusqu'à Dubaï ?
    Bon c'était animé quand même ce petit voyage avec elle alors ;-)
    J'attend quand même ton article et tes photos ( si tu en as pris ... ) de ce pays tout en démesure ...

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    1. Paul s'en met plein les fouilles mais les salades sont bonnes quand-même ! Je ne connaissais pas...
      Oui je pense faire un article.

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