lundi 9 mars 2015

Changer quelque chose


Quand elle a dit que nous étions une famille, j'ai étouffé un rire. Je ne me comprends pas moi-même. C'est vrai, on passe plus de temps ensemble entre ces murs lamentables plutôt qu'avec nos proches dans la chaleur de nos foyers. C'est vrai, on s'aime bien quand-même. On a de la chance ici. On ne fout rien et ce n'est pas la guerre. D'autres s'arrachent la tête pour vendre un sac et se font virer par ces temps de crise. C'est vrai, on est peut-être une petite famille en fait. Et pourtant non, je regrette et je m'en fous. Je me fous d'elle qui arrive bientôt à la retraite, de lui qui n'a rien fait de sa vie parce qu'il la juge trop difficile, de cette directrice qui a des problèmes de monégasque, et je me fous encore plus de cette folle à lier et de l'organisation de son mariage de feuj.

Je ne suis pas en colère et n'ai rien contre eux mais je me force à sourire et à répondre aux quelques questions dont les réponses ne les regardent même pas. Je n'ai rien à leur dire. Je me fous d'eux, voilà tout. Elle peut partir à la retraite et décéder l'année suivante, je ne suis pas persuadée d'en pleurer. Je ne m'identifie pas à elle, ni à aucun d'eux d'ailleurs. Je les aime bien par la force des choses mais ils me laissent indifférente. Je n'ai que faire de leurs conversations stériles. J'ai peur de finir comme eux et non, je ne me sens pas en famille. Pas plus qu'entre amis. 2014 m'a rendue amère et je sais désormais qu'avant d'aimer les autres il faut s'aimer soi-même. Évidemment, je ne suis plus persuadée de m'aimer. Actuellement je n'ai pas grand-chose à donner. Je dois faire la paix avec moi-même, en plus des deux deuils sentimentaux qui me hantent. Pour tout vous dire, signer l'acte de paix s'annonce compliqué. Souvent je me suis réveillée en colère de me réveiller encore. Aujourd'hui ça va mieux. Parce que j'ai fait le tour de la question et n'ai pas le courage de me foutre en l'air. Ma mère me retient. Je n'ai pas le droit. Je peux m'auto-saccager mais je suis incapable de la saccager, elle. Elle est tout ce que j'aime encore.

Je sais. Il faut changer quelque chose. La décision m'appartient, celle de bouger mon cul au lieu d'attendre que ça se passe et d'espérer un miracle. Je sais, je suis devenue tellement noire en si peu de temps que mes écrits en deviennent lourds, stressants, sans intérêt. On aimerait m'attraper par les épaules et me secouer. Ou me gifler pour me remettre les idées en place. Je sais. De rien. Il faut changer quelque chose. Mais je n'aime rien sinon ma mère. Rien d'autre qu'elle et les voyages.

C'est pourquoi avant-hier, assise dans la réserve en train de fumer des cigarettes, dressant mentalement le bilan de ma vie de merde, j'ai posé dix jours à la fin du mois d'avril et j'ai pris un billet pour Istanbul. Coup de tête revigorant. Je me suis sentie vivre.

L'autre nouvelle, c'est que je pars en Inde avec ma mère à la fin de l'année.

Pour fêter ça, j'ai remplacé le champagne par de l'eau plate et n'ai pas vomi depuis deux jours.

Depuis, j'ai l'impression d'avoir changé quelque chose.

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