mardi 2 février 2016

Je n'ai pas aimé le Rajasthan

Aller au Rajasthan et voir le Taj Mahal était l'un des rêves de ma mère, qui a beaucoup voyagé sans jamais oser franchir le pas de l'Inde. En Avril dernier, alors que j'étais dans une sale période, elle s'est décidée à réserver un vol et un chauffeur privé, "parce qu'on a qu'une vie". J'étais fière d'elle et très enjouée de partager son rêve, ayant moi-même toujours voulu voir l'Inde. Quelques mois plus tard mon père s'est incrusté dans le voyage. Cela faisait onze ans que nous n'étions pas partis tous les trois. Le 23 Novembre 2015 nous décollions donc vers Delhi pour un périple de douze jours à travers le Rajasthan.

Si vous avez suivi mes péripéties sur le blog vous savez que j'aime voyager, partir à l'aventure, que je pars très souvent seule et que je ne suis pas spécialement maniérée. J'ai déjà fait 24h de bus sans dormir, porté plusieurs jours la même culotte, me suis déjà retrouvée sans bagage... Je ne pense donc pas être quelqu'un qui a besoin d'un palace pour se régaler.

Dans cet article je ne publierai pas 45 belles photos de l'Inde pour la simple raison que j'en ai 3.000 (belles et moins belles) et que -c'est bien la première fois- je ne prends pas tellement de plaisir à me remémorer ce périple. J'aimerais seulement expliquer aux futurs voyageurs pourquoi je n'ai pas aimé cette destination. Les points que je vais aborder prennent selon moi largement l'avantage sur la beauté des monuments.

D'abord sachez que je ne suis pas super con. Nous savions avant de partir que c'était une destination délicate, qu'on irait pas là-bas pour faire du shopping et qu'il fallait être psychologiquement préparé. J'ai toujours rencontré deux types de voyageurs: les fous de l'Inde qui y retournent six fois par ans VS ceux qui ont détesté et que j'avais l'habitude de snober en me disant "regarde-la cette conne qui a cru qu'elle partait à Dubaï."

Bref. Aujourd'hui je suis de ceux qui visiblement n'existent pas, ceux pour qui le bilan est mitigé mais qui n'y retourneraient pas quand-même, sinon pour un jour montrer à ses enfants qu'ils sont très bien lotis et ô combien chanceux.

I - LA SALETÉ

Excepté l'aéroport... Tout est pourri. Quand on me le disait, encore une fois je n'y croyais qu'à moitié, j'imaginais que l'hygiène était la même qu'au Maroc où c'est déjà pas top pour la majorité des français guindés par exemple. Je me disais donc que les gens abusaient. J'avais tort. L'Inde c'est pourri de partout. Même dans la plupart des chambres d'hôtels bien notés vous trouverez de la poussière au mieux ou du sang dans les draps au pire. Ne parlons pas de l'eau chaude. À croire qu'ils n'ont jamais pris de douche. Quand on la demande ils prennent un air interloqué style "attend je sais plus où se trouve le bouton pour actionner l'eau chaude". 

Les rues sont des bennes à ordures à ciel ouvert dans lesquelles se nourrissent les vaches. L'odeur est parfois immonde. On ne peut pas marcher tranquillement et regarder autour de soi car il faut constamment faire attention où on met les pieds entre les détritus, les excréments d'animaux ET d'humains, les crachats par milliers, les trous béants au milieu du chemin dans lesquels croupit une eau toxique, les voitures, scooters qui circulent n'importe où et manquent de vous renverser. On peut tomber dans un trou ou être percuté à tout moment. À moins de ne faire que de la voiture avec un chauffeur indien et expérimenté, il est quasi impossible de se promener dans la rue et profiter du paysage.


Les hommes pissent devant vous, il paraît qu'il y en a même qui font la grosse commission sans cas de conscience particulier, en baissant le pantalon sur votre passage. Nous n'avons pas vu ça mais je l'ai souvent lu. Des odeurs d'urine et des flaques, aussi bien dans la rue que devant les restaurants, ça c'est monnaie courante.

Les indiens mangent avec les mains mais celles-ci sont noires de crasse. Autant vous dire que ça coupe l'appétit quand on est à table. J'ai également vu des hommes pétrir du pain à même le sol dans la rue, sur un tapis sur lequel il marchait avec leurs chaussures. Du jamais vu. Les vendeurs au bord des routes se curent le nez ensuite ils servent à manger. J'ai vu un mec prendre de la pâte à crêpes avec ses mains pourries avant de la jeter dans l'huile d'une poêle moyenâgeuse noire de suie. Un truc à s'intoxiquer. C'est bien la première fois que nous n'avons pas pu manger dans la rue et goûter des trucs vraiment typiques. Même au Vietnam qui craint déjà niveau hygiène mes parents pouvaient manger chez les petits vendeurs sans tomber vraiment malades. En Inde c'est impossible ou bien vous risquez d'en mourir. 

Vous reprendriez bien une tasse de thé?

Ne parlons pas de l'état des WC dans les restaurants un peu chics et même dans les hôtels. Un soir nous avons eu une belle chambre dans le désert avec des WC et une douche dignes de toilettes publiques. Les murs tapissés d'excréments, le WC pas fixé au sol donc inutile de tirer la chasse puisque tout allait déjà par-terre. Ce soir-là nous n'avons pas pu nous laver, on aurait été encore plus sales si on avait osé.


Hommes et femmes crachent des jets de lama, quand je pense que certains marchent pieds nus. J'étais partie avec un vernis transparent, au bout de trois jours il était gris foncé. Chaque soir nos cheveux sentaient l'essence, on avait du noir qui sortait du nez à longueur de temps.

II - LE BRUIT

Oui il y a plus d'un milliard d'habitants. Ce n'est pas les Maldives j'étais au courant merci. Mais c'est bien le bruit qui me fait dire que ce voyage était véritablement un voyage d'aventuriers et pas des vacances. D'ailleurs nous sommes rentrés crevés. J'habite à côté de la gare sncf dans une rue passante avec un bar d'ivrognes sous ma fenêtre, tous les matins je suis réveillée à 5h par l'annonce du premier train. Eh bien quand je suis revenue d'Inde j'avais l'impression d'habiter dans une maison de campagne. Je n'entendais plus le tapage et je dormais bien. L'Inde est le pays le plus bruyant dans lequel j'ai été. Le Klaxon est roi, le bruit est infernal, la circulation sans code de la route. C'est priorité à qui passe le premier. Dans la rue on ne peut pas s'entendre parler. En voiture on a risqué notre vie des dizaines de fois, les camions doublent n'importe comment, j'en ai même vu un dont la cabine passager était totalement arrachée, sans tôle. De plus, les animaux traversent n'importe où et provoquent souvent de graves accidents. Le bruit est INCESSANT retenez bien ça. Les seuls moments de calme seront à l'hôtel et encore il faut tomber dans une chambre qui ne donne pas sur la rue.



III - LES GENS

Je suis mitigée à l'idée de parler d'eux car qui suis-je pour juger une culture qui n'est pas la mienne? N'était-ce donc pas à moi, touriste, de m'adapter? Sachez que partout où j'ai été j'ai toujours respecté les codes et fait profil bas. Je ne me la suis jamais jouée Napoléon qui débarque et se prend pour une reine. Jamais. D'ailleurs rien ne m'a jamais véritablement choqué non plus.

En Inde, encore une fois tout s'est passé différemment. Au départ, à Mandawa et Jaisalmer par exemple, j'ai trouvé les gens chaleureux et sympas, bien que leur hospitalité était déconcertante car ils restent à un mètre de vous dans les restaurants et les hôtels en vous regardant comme si vous étiez des aliens. En réalité ça part d'un bon sentiment car ils estiment que vous ne devez pas attendre pour être servis. Cette explication m'a choquée car je ne suis personne pour être servie et je n'en demande pas tant. Mais je reconnais qu'un "boy" qui reste scotché en vous regardant bizarrement tout le long du repas, c'est vraiment déroutant.

Les mauvaises expériences furent surtout avec les hommes dans la rue. Des hommes au regard perçant qui ne laissent rien dévoiler de ce qu'ils pensent de vous. Au départ je me disais que s'ils avaient des yeux d'assassins ce n'était pas de leur faute. J'ai changé d'idée lorsque j'ai compris que certains l'étaient vraiment lol.

Je précise que j'ai toujours eu une tenue décente par 30 degrés: jeans, bras couverts et chaussures fermées. Encore une fois je n'étais pas la touriste en minijupe qui ne comprend pas pourquoi les gens la regardent fixement. 

En Inde les hommes me laissaient passer devant eux avec un semblant de sourire -j'aurais presque pu les trouver charmants- et lorsque je me retournais ils étaient en train de prendre mon cul en photo avec leur téléphone. Plusieurs fois on a été suivis et le fait que mon père fasse 110kg n'a impressionné personne: ils s'approchaient de moi et se léchaient les lèvres en me regardant devant les yeux ahuris de mon père.

Les enfants et les femmes sont relativement plus sympas, ils tiennent beaucoup à être pris en photo avec les blancs ou à apparaître sur nos photos personnelles. J'ai rencontré des familles cool pour qui nous étions juste des curiosités sans sous-entendu vicieux. On acceptait de bon cœur de se faire toucher les cheveux car ça restait bon enfant et nous faisait plutôt rire.

La lenteur des gens est un autre point très agaçant. Alors ok pour trois jours ça va mais sur un périple de douze jours c'est vraiment fatigant. Une heure d'attente minimum pour le premier plat, une heure pour avoir une chambre "prête", une heure pour obtenir un "lit d'appoint" (= paillasse à même le sol), une heure pour faire le chek out... On peut pas dire que dans le sud de la France les gens soient particulièrement vifs mais les indiens... C'est juste incroyable. Même en Turquie où c'est déjà assez mou je n'ai pas autant perdu mon temps. On attend pour tout, tout est démesurément lent.


Les indiens sont des escrocs un peu comme on en trouve dans chaque pays mais je tiens à préciser que c'est encore exagéré en Inde. Vous pouvez diviser le prix par trois mais vous serez encore loin du prix réel. Si vous avez un chauffeur, il essaiera constamment de vous niquer avec le sourire, que ce soit en essayant de vous faire payer 25€ un paquet d'encens ou en vous emmenant dans des bureaux de change où étonnamment le change affiché ne sera pas le même pour vous. Là je parle d'exemples contrariants où on tentera de vous prendre grossièrement pour des cons. Pour le reste, il est logique qu'un chauffeur ou guide vous emmènera automatiquement dans des endroits où il a sa com, libre à vous d'acheter ou non.

IV - PAUVRETÉ ETC

"La mendicité en Inde, tout le monde sait qu'elle y est. Si ça te dérange il faut aller ailleurs." C'est ce qu'on m'avait dit et j'étais partie dans l'optique que j'avais justement déjà vu ça et que ça ne me dérangerait pas. Encore une fois j'étais loin d'imaginer la réalité. Et malheureusement on a beau le dire et le lire, tant qu'on ne l'a pas vu on ne peut pas se rendre compte. Certaines de mes connaissances m'ont prise pour une idiote quand j'ai dit que la pauvreté m'avait choquée car dans la tête des gens "ça coule de source" que l'Inde soit un pays pauvre mais c'est tellement loin de ce que vous pouvez imaginer. Facile de juger.

En Inde on voit carrément des enfants camés à l'opium avec le rabatteur derrière. Des enfants de cinq ans qui parlent déjà en euros, en dollars et en roupies, qui vous tirent presque vos jouets dans la figure. Je n'aime pas parler de tout ça car ça me ramène à des sentiments vraiment flous. À une ambiguïté entre tristesse démesurée et vouloir les dégager de mon chemin car je ne peux rien faire pour eux. J'ai été désemparée face à ces bidonvilles juste derrière la magnificence du Taj Mahal, ces mères et enfants sur la route, ces gosses qui se dessinaient sur les mains avec les feutres que je leur donnais et les autres qui se battaient comme des chiens pour avoir un feutre de plus. Un jour j'ai carrément était attaquée pour un paquet de feutres, j'ai dû le jeter par-terre comme à des animaux car comment faire autrement?


À longueur de temps on voit des animaux accidentés, malades ou morts depuis plusieurs heures le long des routes.

Je me souviens de cette petite-fille qui ne savait même pas parler, qui n'allait pas à l'école, elle était emmaillotée dans des haillons et elle "s'amusait" à grimper sur des scooters "garés", enfin mis sur le bord de la route. Je me rappelle avoir voulu l'emmener, la prendre avec moi dans mon studio que je juge de merde. Je me suis dit que si seulement je pouvais la faire venir chez moi, elle serait sûrement la plus heureuse.

Lorsque j'ai tourné la tête en direction de ce qu'elle regardait avec insistance, j'ai alors vu sa mère, assise par-terre sous des morceaux de carton qui lui servaient de toit. Nous étions le 1er décembre ou le 2 peut-être, notre voyage touchait à sa fin, c'était le début de l'hiver en Inde et elle serrait dans ses bras un bébé.

Devant les monuments les gens vous encerclent, on est obligé de péter un cable car on ne peut même plus avancer. Ils essaient de vendre des merdes d'échiquiers, ils ne vous lâchent pas, dire non merci n'est pas suffisant, on pourrait devenir violent, rien ne les arrête. Cette mendicité a réellement pris forme à Jaipur en fin de parcours. On était fatigués et c'est comme ça partout, sans cesse. Dans l'avion qui me remenait à Nice, pour la première fois j'étais contente de rentrer et ça ne m'est jamais arrivé, j'avais carrément des hallucinations, je voyais la Mediterrannée à travers les nuages. Pour la première fois de ma vie je n'ai pas été dégoûtée de partir. Et pour cette raison je peux dire que si l'Inde m'a appris à savourer ce que j'ai, elle ne m'a néanmoins pas transcendée.



5 commentaires:

  1. C'est à peu près pour toutes ces raisons que je n'ai pas franchi le pas pour y aller (et, honnêtement, même les plus baroudeurs de mes copains sont rentrés malades)...

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  2. Ah ben voilà un compte rendu qui me rappelle des choses. C'est clair que même si on s'attend à voir la misère, on lit des blogs/forums, on regarde des documentaires...absolument rien ne peux nous préparer à ce qu'on va voir et vivre sur place. J'en garde également un souvenir difficile, le harcèlement, les arnaques, être une femme blonde et blanche... Une expérience à vivre mais je n'y retournerai jamais.

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  3. C'est vrai qu'il y a tout ça. Que tu ne peux pas passer à côté des ordures, de la pollution, de la saleté, du bruit encore moins, et je sais qu'il est omniprésent. J'étudie en Inde depuis plus de deux mois maintenant, et j'ai pu voir tout ça aussi, en voyageant. On m'en avait parlé aussi avant de partir. Mais on m'avait surtout dit : n'essayes jamais de comparer, c'est incomparable. Et je pense que c'est la chose qui m'a le plus servi tout au long de mon voyage. De plus je trouve qu'en sillonnant les villes et en ciblant des visites qui te ressemblent et même si elles ne figurent pas dans les guides, tu peux toujours réussir à te raccrocher à de bons sentiments par rapport à tout ce qui t'entoure. Un sourire, un coup de main, un mot dans leur langue et tu décroches la même chose en retour. Tout est différent de chez nous, mais tout fait sens quand tu prends le temps de discuter avec les locaux. Je comprends totalement que ce pays puisse faire peur, puisse être à l'origine d'expériences mitigées, mais je les prends pour ma part comme autant de leçons de vie à repenser en rentrant en France (dans un mois pour ma part) (notre manière de consommer, de générer nos déchets, d'être vigilant à l'autre, de le respecter...etc). Tout en comprenant je trouve ça si triste de voir que ce pays puisse générer de si mauvais souvenirs. Très bel article en tout cas, rempli de franchise. Bonne continuation

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  4. j'ai fait deux séjours de 3 semaines en inde. J'ai beaucoup voyagé et souvent dans des pays improbables dont le nom fini en "an". Bref l'inde ne se raconte pas elle se vit. Nous y sommes allés en groupe de potes (5 au premier 7 au second), nous avions un chauffeur et un véhicule pour être autonomes et perdre le moins de temps possible à chercher des bus et des trains. Nous avions dealé avec notre chauffeur une bonne com' s'il arrêtait de nous vendre des trucs dont nous n'avions pas besoin. Bien sûr c'est un pays dur où tu te trouves vraiment confronté à la vie et à la mort, rien n'est édulcoré comme en occident, tout est exposé aux regards, avec des sensations décuplées. Oui ça sent comme dans une ferme, oui il y a des détritus partout mais finalement tout est recyclé récupéré réutilisé. Oui les castes existent encore, les Indiens sont très durs entre eux.Les hommes se comportent mal avec les femmes et passent leur temps à t'observer d'une façon très violente. Mais c'est un pays qui t'ouvre les yeux, tu ne peux pas revenir en France inchangé après avoir touché du doigt le monde indien. perso je projette un troisième voyage pour finir mon périple dans les années à venir.

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  5. L'inde ne m'attire absolument pas. J'ai souvent lu qu'on adorait ce pays, ou qu'on le détestait sans demi-mesure. A te lire, je vois que tu ne t'y ai pas fait, et je pense que j'aurai malheureusement le même type de réactions. Je n'irai sans doute pas en Inde. Pourtant, c'est aussi le pays de l’Hindouisme, et je suis sure qu'il recèle des trésors en terme de spiritualité.

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