jeudi 24 avril 2014

Sourde

Je suis individualiste. Avant je faisais l'effort. J'écoutais les gens et les conseillais s'ils en éprouvaient le besoin. Ça ne me dérangeait pas. Souvent même ça me faisait plaisir. 

Et puis j'ai constaté qu'en fait:

1) les gens qu'on écoute (pendant des heures) ne nous laissent pas en placer une
2) ils ne suivent jamais nos conseils et font exactement le contraire.

Depuis je ne me casse plus le Luc. Je ne suis pas en train de dire que j'ai toujours été une amie dévouée et que j'ai "oh my God tellement été déçue par les gens". Non je te rassure. En vrai c'est moi la "décevante", je suis bien de celles qui vont filtrer ton appel parce qu'elles ont mieux à faire (boire le thé par exemple). Je n'aime pas les conversations téléphoniques. Je n'aime pas les blablas stériles même s'il faut bien souvent passer par cette case. Je ne sors plus avec les gens, parce qu'ils m'emmerdent. Dans ma vie j'ai croisé très peu de personnes drôles. Et si demain j'en avais les moyens, je me paierais un bouffon avant même un sac Hermès.

Je fuis les mariages qui, ici ressemblent à des enterrements. J'évite les sorties à plusieurs, les événements à la con où il faudra faire semblant, entretenir un peu la conversation, parler du travail, de la pluie et du beau temps. Je me suis entourée de... euh, j'allais dire deux ou trois personnes mais je ne sais même pas si elles sont vraiment deux. Enfin, quelques rares personnes que je vois de temps en temps et qui me font bien rigoler. Des gens vrais, qui ont le droit d'avoir des défauts mais avec qui au moins je peux rire de tout à en avoir mal au ventre, boire jusqu'à l'ivresse, fumer comme un pompier, parler de cul et ne pas toujours partager l'addition. M'endormir les yeux pétillants et penser que tout de même, si je meurs demain j'aurais passé une bonne soirée. Pour le reste... Peu m'importe. Peu m'importe les jours de repos en solo, les apéros auxquels je ne suis plus invitée. Après moi le déluge. Ça m'enlève une belle épine du pied. J'ai encore deux mariages à esquiver, c'est à se demander pourquoi les gens s'acharnent. Au bout d'un moment ils sont sensés me connaître un peu. Mais non, même pas. Ils envoient un faire-part où figure mon nom. Preuve de plus qu'ils ne font que s'écouter.

Aujourd'hui, la vie est finalement plus facile qu'avant. J'ai cru qu'elle avait été un peu dure avec moi; en réalité elle est très clémente. Elle m'a épargnée de quelques parasites ou tout simplement de gens inintéressants. Bon tu me diras, il m'en faut peu pour les trouver inintéressants. Ce n'est pas que je me foule beaucoup pour leur trouver un intérêt. Mais j'imagine que c'est réciproque alors ils devront bien l'accepter.

Il y a encore cette collègue qui parle de tout et de rien, mais surtout de rien du tout. J'en ai assez, je suis fatiguée. De sa voix comme de ses intonations de paysanne. Elle me trouve un peu tapée et il faudra que je lui explique un jour. Que je ne suis pas de ces bavards et qu'avec le temps je suis devenue un peu sourde.


jeudi 17 avril 2014

La purge

Ma collègue et moi nous connaissons depuis longtemps sans avoir jamais travaillé ensemble. Jadis, elle était revenue dans la boîte un mois avant mon départ et entre elle et moi ça c'était plutôt mal passé. Je n'avais plus aucune patience et ne tolérais plus rien des autres. C'est ainsi qu'on s'était quittées sur un:
"Mais vous êtes bipolaire, Vylène!
- Exact. Et vous complètement psycho-rigide et névrosée.
- Ah non blablabla, c'est vous qui m'avez mal jugée gnagnagna!
- Ouais allez ciao."

Ne me demande pas pourquoi elle avait tout de même participé à mon cadeau de départ. Sans doute parce qu'elle est fausse comme un Judas.


Pendant un an j'étais bien contente de ne plus voir sa tronche fond de teintée orange. Et puis par la force des choses j'ai dû retourner dans la boîte il y a un mois et demi (mais en faisant ma belle qui revient de voyage hein, pas en tant que chômeuse qui galère). Dès lors, elle a recommencé à essayer de me lécher le Luc en me proposant du thé et des petits gâteaux. Mais nique ta mère hein. J'ai refusé ses avances foireuses. Parce que je suis certainement un peu conne et bornée, et que j'ai bien cerné le personnage. Et je ne veux pas regrossir à cause de cette pouffiasse et de son mauvais œil.

Elle et moi, en fait tout nous oppose. Elle est blonde pisseux avec les racines noires, je suis châtain. À quarante ans elle vit encore chez ses parents avec son caniche malade et qui ne mange que les pâtes Barilla; je ne vois ma mère qu'une fois dans le mois et le chien mange même du concombre. Elle cherche constamment à se faire des copines (mais se fait remballe c'est sûr), tandis que je fuis les gens comme la peste. Elle parle à longueur de journée même quand elle a une extinction de voix, je suis silencieuse et peu bavarde. Elle pourrait donner son cul pour vendre un sac est très bonne vendeuse expérimentée, je m'en fiche de ce taff à la con. Elle marche comme un camionneur et casse tout ce qu'elle touche, je suis féminine et plutôt raffinée (la meuf qui se lance des fleurs). Elle part en vacances en Israël, moi en Iran.


Je n'ai jamais croisé le chemin de quelqu'un de si dingue. D'abord quand je suis rentrée dans la boîte, elle m'a de suite vouvoyée. J'avais dix-neuf ans, elle trente-sept. Cherchez l'erreur. Elle n'était peut-être pas contente qu'on ait le même poste (vendruse wesh). Qu'importe, ce vouvoiement choque l'équipe mais aujourd'hui ça m'arrange. Et j'ai décidé qu'il en sera toujours ainsi, histoire qu'on ne soit que collègues et jamais copines. Elle est encore plus négative et pessimiste que moi (c'est pour dire), et elle transmet ses mauvaises ondes à tout le monde et à longueur de temps. Alors que par respect pour les autres qui doivent déjà me supporter trente-neuf heures par semaine, je fais au moins semblant d'avoir un peu d'humour et de foi en l'humanité. 

Elle, elle est toujours malade. C'est un point insupportable. Essaye de travailler avec quelqu'un qui tousse toute la journée et te raconte le visage sombre qu'elle va devoir passer un scanner. Oui, un scanner pour une trachéite. Parce que cette pu... euh, cette conne a fait tout un cinéma à la médecine du travail. Essaye de travailler avec quelqu'un qui n'est jamais content de rien, ni du beau temps dehors ni du salaire, ni de l'uniforme ni de ce sandwich rassis qu'elle a mangé à midi. D'ailleurs elle fait des procès à tout le monde. Du coiffeur à la boulangère. Et comme je suis un tantinet sarcastique, j'attends que le CRIF et la LICRA viennent sonner à ma porte.

Parce que le fait que nous n'ayons ni la même religion ni les mêmes points de vue la dérange. Elle ose affirmer qu'elle n'est ni raciste ni fermée d'esprit (alors qu'on ne lui demande rien) mais toutes ses petites analyses de la société puent les clichés et les amalgames. Les libanais sont radins, les russes sont des putes, le Maroc manque d'hygiène. Oui parce qu'elle a eu la diarrhée pendant ses dernières vacances marocaines, alors elle a décidé qu'elle n'irait plus jamais. Et c'est une pied-noir, un colon de merde qui ose dire ça? (Humour. Hum)

Des avis bien tranchés, j'en ai aussi. Et quand tu me pousses dans mes derniers retranchements, quand vraiment j'arrive à ébullition, automatiquement j'envoie les pâtes. Inutile de te préciser que pour elle, je dois être la pire raclure antisémite après Ahmadinejad et feu Chavez (paix à ton âme mon frère).

Ma collègue est une plaie et n'a pas de sensibilité du haut de ses quarante piges. Elle ne comprend pas que lorsque tu regardes ton portable ou lis alors qu'elle te raconte sa vie pathétique, c'est que tu t'en fous. Elle en rajoute de plus belle pour capter ton attention mais sincèrement, que sa mère ait deux hanches en plastique ou les hémorroïdes, tout le monde s'en tape. La vie n'est facile pour personne. Bon, si, pour nos clients milliardaires sans doute.


Néanmoins, elle continue les attentions en apparence sympathiques alors qu'on ne se connaît pas. Quand elle est revenue d'Angleterre, elle m'a rapporté un shampoing. Je n'ai pas pu esquiver, parce que je ne suis pas adepte du no-poo. Et puis c'est un conditionner Aussie. J'ai vu quelques reviews sur les blogs (alors elle s'est pas foutu de ma gueule). Ça m'a fait plaisir. C'était sympa d'avoir pensé à moi. Mais depuis, il faudrait presque la remercier tous les jours. Elle ose me dire "Vous voyez moi je suis une personne généreuse! Je partage ce que j'ai, j'offre, je donne..." Mais meuf je ne t'ai rien demandé. Alors quand la semaine suivante elle m'a apporté un "jean skinny hyper moulant qui va bien vous z'aller", je l'ai ramené le jour d'après en prétextant qu'il était trop grand merci quand-même. Hors de question que je doive remercier jusqu'à la fin de ma vie quelqu'un d'aussi faux. Et puis je me répète mais on n'est pas copines. Je suis certainement égoïste, mais si demain je pars en vacances, je ne veux pas me sentir obligée de rapporter quelque chose à quelqu'un que je ne peux pas supporter. On n'est jamais d'accord et plus ou moins en conflit. Pourquoi tu fais les choses pour avoir l'air gentille et affirmer que tu as le cœur sur la main? Les vrais généreux ne s'en vantent jamais. Si tu ne fais pas le geste avec plaisir alors abstiens-toi. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Et dois-je préciser que lorsque je fais l'effort de bien vouloir parler avec elle, ce n'est qu'un dialogue de sourds puisqu'elle ne daigne pas vouloir m'écouter et ne fait que me couper la parole? Preuve de plus de son nombrilisme incroyable.

Dans la boîte, on l'appelle la purge. Et par expérience je peux te dire qu'elle fonctionne presque aussi bien que deux Dulcolax avant le coucher. Mon collègue en est venu à une conclusion: elle est mal baisée. Alors pour lui redonner un peu le sourire, on va lui offrir un oeuf en chocolat pour les fêtes de Pessah. Mais aussi un godemiché.