jeudi 29 octobre 2015

Peur de rien

Les ennuis que je traverse au quotidien depuis plusieurs mois m'ont néanmoins apporté quelque chose: je n'ai plus peur de rien.

Avant j'étais peureuse. Douillette. Froussarde. Connasse. Avant j'avais principalement peur des vers, des nains et des gens qui disent "il faut que je soye." Mais aussi des chinois, de la mort, d'une coupure d'électricité, des cafards, de la merde de mes chats, de mes cheveux dans le lavabo, des gens qui me regardaient dans la rue, du patron, de la collègue un peu trop sûre d'elle, de mon téléphone qui n'a plus de batterie, de me faire happer par le train ou bien de provoquer un accident de voiture, de moto, de calèche. Avant j'avais peur du noir aussi, de l'orage, de l'eau froide, d'être en retard, des roms, des revenants, d'oublier ma pilule, de croiser mon père, de ne pas être assez bien fringuée, que ma carte ne passe pas, de laisser les plaques allumées, du vide, d'avoir la diarrhée, d'effacer des messages et des gens de ma vie. J'avais peur qu'on crache dans mon burger, ou qu'on mette des poils de cul dans ma salade. J'avais peur de la drogue, d'être cocue aussi, qu'on me mente, qu'on ne soit pas sincère. J'en faisais des cauchemars. Des cauchemars de burgers en poils de cul qui me couraient derrière, chevauchés par le fantôme de mon mec mort en calèche après une coupure d'électricité provoquée par des nains chinois. 

Avant j'avais le cauchemar facile. Aujourd'hui je ne rêve plus.

Hier j'ai fait le manège le plus flippant de la foire. Dans trois semaines je serai en Inde avec la diarrhée. Depuis un an je dégage certaines personnes de ma vie sans cas de conscience, en nettoyant la merde de mes chats. Je fréquente un roumain qui dit "ils croivent" et lui demande d'aller toujours plus vite au volant. La semaine dernière d'ailleurs il a explosé sa voiture juste après mon départ. Il faut croire que dans cette cacophonie des sens j'ai une bonne étoile. En 2016 je vais sauter en parachute, et s'il le faut je boufferais même des vers vivants à Koh Lanta.

Je pense toujours que la vie est une belle merde. Et que pour s'y faire il faudrait se servir deux tartines de merde tous les matins. Dans le pessimisme je suis restée constante. Dans la médiocrité également. Mon suicide est toujours programmé. Mais depuis que je n'ai plus peur de rien, j'ai quand-même bien peur d'être immortelle.


mardi 13 octobre 2015

Demande en ami

Lorsque j'ai vu sa demande s'afficher sous mes petits yeux dégommés d'insomnie, mon cœur s'est mis à battre très fort mais ce n'était pas de l'amour. Je me suis soudain sentie soûle, pour une fois que j'étais sobre. Je sentais le sang battre à mes tempes, un peu comme pendant les soirées défonce tapas où je ris tellement que je ne sais plus si je suis ivre d'alcool ou de blagues lourdes. Sûrement des deux finalement.

Après l'euphorie est arrivé l'instant où je me suis sérieusement questionnée sur ce pas virtuel qui venait d'être fait en ma direction, cette main un peu molle qu'on était en train de ne me tendre qu'à moitié. J'imaginais le pas chancelant et la poignée hésitante, derrière mon écran quatre pouces. Qui diable pouvait penser à moi un dimanche à 23h59 et avoir l'idée incongrue de me proposer l'amitié? Lui apparemment. Celui qui m'avait jetée dehors sans explication, me dérobant ma tune et ma dignité un an plus tôt. Mais surtout ma tune.

J'ai d'abord pensé que mon téléphone avait fait une reconfiguration sur l'année 2011 et que j'allais sûrement recevoir plein d'autres demandes d'un tas d'autres cons. Je me suis ensuite dit qu'il avait certainement trop bu, qu'il allait se sentir merdeux le lendemain, et si c'était son nouveau concubin qui avait monté un stratagème pour le larguer pour un gay bear ttbm? Et s'il était en train de se suicider et qu'il voulait m'envoyer un Poke en guise d'au revoir? Et si je faisais du 95C mais que personne me l'avait jamais dit?

J'ai laissé la demande en suspens, parce que refuser aurait fait trop vnr mais l'accepter ne m'est d'aucune utilité. Il n'est plus rien à mes yeux et j'ai été moins que rien avant lui. J'ai quand-même réfléchi à ce qui pouvait justifier cette énième humiliation par-delà l'immondice. Si par hasard je n'avais pas oublié un truc très important dans mon ancien chez moi qu'on appellera "là-bas". Peut-être avais-je laissé là-bas un bras ou 3.250€ par exemple. 

Depuis, je réfléchis à un stratagème pour récupérer ma tune. Parce que c'est sûrement ce que j'ai perdu de plus cher dans cette relation. Pour le reste... Bon débarras. Revenir plus d'un an après avec une "demande en ami". Et pourquoi pas aller boire des bières en se tapant sur l'épaule?

Quand je repense aux jours entiers passés devant mon téléphone muet, à ce déménagement dont j'ai cauchemardé pendant des mois, me repassant le film de ce matin-là où j'ai trouvé les cartons déjà faits, et de ce soir insoutenable où j'ai vidé les placards du peu qu'il restait de moi, découvrant qu'il avait fermé à clef des pièces dans lesquelles il m'était donc interdit d'accéder. Quand je revois ma mère fatiguée, se faire UN CUL en pleine saison avec tout le travail qu'elle avait, tellement plus résistante que moi qu'elle me tenait la main pour ne pas que je tombe. Quand je la revois veiller sur moi, se questionner avec moi, m'offrir des verres de vin pour m'apaiser sans savoir que j'allais basculer de l'autre côté. Celui des penchants alcooliques un peu trop prononcés et des troubles de l'humeur un peu trop sévères. Celui de la dépression à 23 ans à peine, des nuits blanches et des psychiatres, de l'histoire qu'on raconte encore et encore à des gens qui s'en battent les couilles, des faits qu'on ressasse pour y trouver un lien logique, de son prénom qu'on dit très vite comme si sur un malentendu on ne l'avait jamais prononcé.

Quand je revois la merde qui a découlé de sa présence dans ma vie, j'ai envie de répondre "accepter" et de lui envoyer mon doigt.